La “Bolsa de Bielsa”, l’histoire franchit nos montagnes: un article de la Dépêche du Midi (28/04/2018)

La Dépêche du Midi du 28/04/2018 consacre un article à l’inauguration d’une exposition photographique, « Au printemps 1938, l’exode de la population civile de Bielsa vers la vallée d’Aure », le samedi 14 avril 2018 à la Maison du patrimoine de Saint-Lary-Soulan.  Cette exposition témoigne d’un moment les plus tragiques de la guerre d’Espagne et de la bataille d’Aragón qui est aussi considérée comme un symbole de la résistance tenue par « la 43a » División Republicana.

Il y a 80 ans, du 7 avril au 14 mai 1938, s’est produit l’exode d’une partie de la population civile aragonaise, environ 6 000 personnes, vers la vallée d’Aure en France.  Cet exode est un exemple remarquable d’organisation et de solidarité entre El Ejército Popular et le peuple aragonais. Cette exposition en retrace les différentes étapes avec un nombre important de très belles photographies montrant les civils, femmes, enfants, hommes, personnes parfois très âgées, parfois blessées, les miliciens de « la 43a » (dont la plupart vont rejoindre ensuite  le front et la Bataille de l’Èbre par la Catalogne), les gendarmes français,  ainsi que les troupeaux d’animaux  qui franchissent la frontière pyrénéenne, dans des conditions extrêmes, altitude (2 378m), froid, neige, sans équipement adapté. Images ô combien émouvantes de Bielsa  en paix, de Bielsa sous les bombes et complètement anéanti, de Bielsa qui se reconstruit après la défaite républicaine, pendant la dictature franquiste. De ces gens ordinaires, dignes, marqués par  les épreuves, la peur, la tristesse, le froid, la fatigue, qui ont quitté leur vallée et leur vie pour un avenir bien incertain.

Cette très belle exposition  est à l’initiative de José Buil dont la famille a vécu ces terribles moments et de l’Association « Mémoires de la vallée de Bielsa » d’où proviennent la plupart des photos.

Lors de l’inauguration de l’exposition côté français à Saint-Lary-Soulan, le samedi 14 avril, de nombreux témoins et enfants de témoins sont présents  ainsi que la conteuse Sandra Araguás qui  présente  son roman « LÁGRIMAS EN LOS TEJADOS » (Des larmes sur les toits), inspiré des faits et témoignages de la Bolsa de Bielsa.

Photo de José Buil, sa maman Rosa et son oncle Baïtico, et Sandra Araguás, auteure de « Des larmes sur les toits »

Une 2ème inauguration de l’exposition a  lieu côté espagnol, le 17 juin 2018 à l’Ayuntamiento de Bielsa. On peut la voir encore à la Casa Larraga jusqu’au 31 août : « El éxodo de la población civil de Bielsa al Valle de Aure, uno de los episodios más trágicos de la guerra civil ».

Elle est complétée par l’exposition de l’Asociación por la Recuperación de la Memoria  Histórica en Aragón (A.R.M.H.A.) sur l’évolution des milices aragonaises, devenues la « 43a » División Republicana : « El pueblo en armas. De las  milicias a la 43a división ». Une exposition très documentée et pointue, avec des panneaux très complets tant au niveau historique qu’au niveau politique (textes, analyses, photos, articles de presse)  qui font largement le point sur la guerre d’Espagne en Aragón, la naissance des milices aragonaises et leur évolution, devenant la 43a División Republicana  (juin 1937) avec sa composition hétérogène, des paysans mais aussi de jeunes maestros, son profond engagement républicain, son courage et sa cohésion  tout au long de la Bataille d’Aragón jusqu’à  la chute du front d’Aragón au nord, entraînant le repli et celui des civils aragonais dans la « Bolsa de Bielsa ».

Le projecteur est donc mis sur « la 43a » División Republicana , dirigée par Antonio Beltrán Casaña (« El Esquinazau », le rusé) et retrace sa route  dans les villages du Sobrarbe jusqu’à la chute de la poche de Bielsa le 15 juin 1938, au bout de 166 jours de résistance tenace, malgré une lutte à armes inégales contre la 62ème division franquiste dirigée par le général José Iruretagoyena et les avions fascistes et nazis, qui bombardent les villages des vallées du Alto Aragón. La photo montre les Heinkel-51 lançant des bombes incendiaires sur Bielsa et Parzán.

La presse républicaine et étrangère commente largement cette résistance héroïque : d’ailleurs 6 899 des miliciens vont choisir de retourner sur le front et vont passer la frontière par Portbou. Accueillis en héros à Barcelone, ils réorganisent leurs unités et sont incorporés à nouveau dans celles du  front en août 1938 dans la Bataille de l’Èbre.

D’avril à juin 2018, d’autres moments mémoriels forts marquent l’anniversaire des « 80 ans de la Bolsa de Bielsa ».

Du 21 au 23 avril 2018 : tras los pasos de la « 43a » División Republicana, des membres de l’association « La Bolsa de Bielsa » marchent sur les traces de la « 43a » et parcourent les  mêmes chemins de son repli jusqu’à la vallée de Bielsa. De Jánovas à Bielsa en passant par des villages qui pour certains  luttent encore aujourd’hui pour se faire entendre et ne pas disparaître : Jánovas, Ascaso, Moriello de Sampietro où ils reçoivent un accueil chaleureux de son association « As gabarderas », Muro de Bellós, Puyarruego, Escalona, Laspuña, Lafortunada, Tella jusqu’à Bielsa par le canal du Cinca, franchi par les miliciens de la « 43a » avec de l’eau jusqu’à la ceinture. On peut  partager leur expérience grâce au lien en fin d’article.

Les 15, 16 et 17 juin ont lieu les XII Jornadas Republicanas de la Bolsa de Bielsa.

  • Le vendredi 15 juin, c’est la présentation du livre « El pueblo en armas. De las milicias a la 43a División  ” par l’historien Herminio Lafoz Rabaza dont le sujet est la rapide naissance des milices aragonaises, la composition des bataillons avec leurs propres caractéristiques ; un texte ponctué de témoignages de combattants ainsi qu’une liste (incomplète) d’une partie des membres de la 43a División Republicana, des documents et des extraits de journaux ainsi que des dessins de Philippe Guillén qui est là pour dédicacer l’ouvrage.

Herminio Lafoz Rabaza souligne que l’histoire de la République n’est pas encore écrite et qu’il reste encore beaucoup à raconter, à enquêter et à mettre en lumière.

La journée se termine par la Cena en honor a la 43a División Republicana.

  • Le samedi 16 juin, un groupe de 80 personnes tente l’ascension du Puerto Viejo de chaque côté de la frontière, malgré une météo mauvaise ; un poème de Miguel Hernández y est lu par Clara Asín Ferrer.

Le soir à 19h, au camping « Los Vives » de Saravillo, Pepe Sedano Moreno présente son livre « El infierno y sus puertas », où il raconte l’holocauste à partir des témoignages d’Andalous déportés dans les camps nazis, recueillis quand il avait 36 ans.

Après la Cena de Hermandad Francia-Aragón, le groupe Adebán joue sur la place de Bielsa et on danse la Jota.

  • Le dimanche 17 juin à 11h, c’est l’inauguration de la double exposition à la Casa Larraga de Bielsa, l’exposition « El pueblo en armas. De las milicias a la 43a División Republicana » étant présentée par le président de l’A.R.M.H.A. et « El éxodo de la población civil de Bielsa al valle de Aure » par José Buil, fils de Rosa Buil.

À 12h, l’Ayuntamiento de Bielsa est archi-comble pour les exposés des historiens, celui de Severino Pallaruelo Campo ( né en 1954 à Puyarruego, écrivain, géographe, historien et ethnologue) et Gregorio Loaso Ramón (né en 1933 à Linás de Broto, passé en France peu avant le retrait de la 43a, qui vit à Séméac et a repris contact ces dernières années avec sa terre d’origine) intitulé « Ocupación, acoso, exilio o retorno » au sujet de la population civile du Sobrarbe pendant et après la guerre, et celui de Jesús Cardiel « República y Guerra Civil en Sobrarbe ».

À 13h30, les Jornadas Republicanas se terminent avec el homenaje a los caídos (ceux qui sont tombés) pendant la Bolsa de Bielsa, devant le monolithe de Bielsa en présence de Rosa Buil et de vétérans de la 43a División Republicana, Joan Escudé (102 ans) et Martín Arnal (96 ans) qui reçoivent des plaques commémoratives de ce 80ème anniversaire.

Le 27 juin 2018 est inauguré un monolithe commémorant le 80ème anniversaire de la Bolsa de Bielsa, à  côté de l’entrée du tunnel de Bielsa menant en France, au départ du sentier de randonnée  qui mène au Puerto Viejo ( le port par lequel les civils et les miliciens ont franchi la frontière).

Le Gouvernement d’Aragón est  en contact avec les autorités françaises pour installer un mémorial semblable à l’extrémité du tunnel, côté nord.

Cette inauguration est le précurseur d’une série de Lugares y Rutas de Memoria en Aragón, qui vont voir le jour avec la Ley de Memoria Democrática de Aragón, dont le projet entre dans sa phase finale de traitement au Parlement autonome et devrait être approuvé en septembre 2018.

En présence de plusieurs responsables de la communauté autonome d’Aragón, le conseiller de la Présidence, Vicente Guillén, qui a inauguré le monolithe, a souligné que « el recuerdo y la reparación del sufrimiento no es sólo del pasado, sino también presente y futuro a través de la educación, con mejor garantía para no repetir los horrores de la guerra ».

Sur le très intéressant site de l’A.R.M.H.A, on peut consulter les projets de l’association : les expositions, les exhumations (51 fosses localisées en Aragón), les publications, la bibliothèque, des vidéos, les sites-webs amis et les événements mémoriels en cours  en Aragón,  comme  l’exposition « la Guerra Pirenaica, de los bombardeos a la reconstrucción en Broto y Sobrarbe, 1936-1957 », inaugurée le 23 juillet 2018 à Broto par Javier Lambán, le Président du Gouvernement d’Aragón. Cette exposition comporte 3 espaces: « La Guerra en el Pireneo Aragonés : bombardeos y destrucciones », « La actuación de las regiones devastadas en Pireneo » et « Presos y trabajos forzosos » (Des prisonniers et des travaux forcés).

L’association Recuperación Histórica de las rutas migratorias transpirenaicas (1930-1970) ou R.E.C.U.R.U.T. s’intéresse aussi aux rutas liées à la Retirada et a donc fléché la ruta del Puerto Viejo, avec des panneaux dans la ville de Bielsa, au départ du chemin de l’exil avant le tunnel de Bielsa, ainsi qu’à La Gela, à l’arrivée du chemin  côté français.

Marie Le Bihan

La revue “El salto” consacre son dernier numéro de printemps, le numéro 12, aux 80 ans de la Bolsa de Bielsa : info@elsaltodiario.com

Voici des liens avec des textes, des photos et des vidéos des différents événements cités :

https://bolsadebielsa.blogspot.com/

https://www.sobrarbedigital.com/un-monolito-en-conmemoracion-de-la-bolsa-de-bielsa-audios/

https://coordination-caminar.org/revue_memoires/autres_memoires/tras-los-pasos-de-capa-en-motril/

El último de la 43

Consulter aussi la bibliographie à la fin de l’article « La Bolsa de Bielsa. El puerto de hielo » du 4/03/2017 dans la rubrique « Archives » : https://www.mere29.com/?s=la+bolsa+de+bielsa