“El fotógrafo de Mauthausen”: sortie du film “Le photographe de Mauthausen”, réalisé par Mar Targarona, en salle en Espagne le 26 octobre 2018

Les photographies que le républicain catalan Francesc Boix i Campo ou en espagnol Francisco Boix Campo ( Barcelone, 14 août 1920-Paris, 7 juillet 1951) et ses compagnons espagnols ont réussi à sauver du camp de concentration de Mauthausen situé en Autriche ont été déterminantes pour condamner les nazis à de hautes charges, lors du procès de Nuremberg en 1946. Boix est le seul espagnol à y assister comme témoin, juste après le témoignage de l’héroïne de la Résistance Marie-Claude Vaillant-Couturier. Après avoir été adaptées au roman graphique en  2017,  les Mémoires de Boix arrivent donc aujourd’hui devant le grand écran. Le rôle principal est joué par Mario Casas.

Le roman graphique « Le photographe de Mauthausen » (septembre 2017, éditions Le Lombard) de Salva Rubio (scénariste et historien), Pedro J. Columbo (illustrateur) et Aintzane Landa Chillón (coloriste) rend hommage au photographe républicain espagnol Francisco Boix, matricule 5185 au camp de concentration de Mauthausen qui, en 1941, échafaude avec ses compagnons  de captivité un plan pour voler des milliers de négatifs de photographies témoignant des crimes commis dans le camp incriminant les plus hauts dignitaires nazis comme Ernst Kaltenbrunner (le successeur d’Heydrich à la tête du RSHA ou Reichssicherheitshauptamt, l’ Office central de sécurité du Reich) et Albert Speer, ministre de l’Armement.

« Le photographe de Mauthausen » nous raconte donc ce vol, la folie des nazis, l’intelligence, l’extraordinaire courage de Francisco Boix et des républicains espagnols déportés, leur puissance de résistance.

La deuxième partie de l’ouvrage est consacrée à un dossier historique très dense : un cahier  de 60 pages avec des textes, des photos et des dessins qui apportent des clarifications à la fois d’ordre général et en particulier sur le personnage principal, Francisco Boix , sa trajectoire de l’Espagne à l’exil en France puis la déportation à Mauthausen et le second exil en France ; ainsi que sur les différents protagonistes de ces faits réels.

Au sommaire de ce dossier  (pages 112-168) :

  • De l’Espagne à Mauthausen avec un texte de Rosa Toran (docteure en histoire et Vice-présidente de l’association Amical de Mauthausen y otros campos y de todas las víctimas del nazismo en España) : « La déportation des républicains espagnols dans les camps nazis et le sort des survivants » ; l’arrivée au camp avec un texte de Ralf Lechner (responsable de collections et commissaire des expositions permanentes au Mémorial de Mauthausen et au Mémorial de Gusen) : « Le camp de concentration de Mauthausen-Gusen ».
  • La (terrible) vie au camp : la carrière de granit « Wiener Graben » où la plupart des prisonniers étaient affectés pour extraire les pierres afin de construire le camp et aussi pour l’industrie locale ; et dont le symbole est le fameux escalier de 186 marches construit par des Espagnols, encore appelé « L’escalier de la mort » ; les Prominenten, les détenus à poste de responsabilité dont fait partie Boix après avoir intégré le service photographie.
  • Les photos de Paul Ricken, chef de l’Erkennungsdienst, le service d’identification (dépendant de la Gestapo du camp) avec un texte de Gregor Holzinger (historien, membre du Centre de recherche du Mémorial de Mauthausen, expert en recherche sur les auteurs de crimes de guerre) « Paul Ricken et le service d’identification de la section politique du camp de concentration de Mauthausen ».
  • Le vol des photos, la résistance au sein du camp et le rôle des Pochacas, jeunes  espagnols membres des JSU (Juventudes Socialistas Unificadas), travaillant au sein du Kommando Poschacher (du nom de l’entreprise locale de granit) qui vont réussir à faire sortir les négatifs du camp et les confier à Frau Pointner (anti-naziste dont le mari gauchiste a été exécuté).
  • La visite de Himmler au camp photografiée par Paul Ricken.
  • La libération du camp le 5 mai 1945 dont la plupart des photos ont été prises par Boix grâce au Leica oublié dans l’Erkennungsdienst avec un texte de Rosa Toran : « Les déportés espagnols, l’impossible retour ».
  • L’exil parisien avec un texte de Daniel Simon (Président de l’Amicale de Mauthausen) : « Francisco Boix, réfugié magnifique. Le second exil en France des deux mille républicains espagnols rescapés de Mauthausen ».
  • Le procès de Nuremberg,Boix témoigne le matin du 26 janvier 1946.
  • La douane franco-espagnole au Pas de la Casa où Francisco Boix attend en vain sa sœur Núria (leur mère est décédée avant la guerre et leur père en 1942).
  • Épilogue :  des 7 532 Espagnols internés dans le camp de Mauthausen, 4 816 sont assassinés, beaucoup de rescapés vont décéder ensuite des suites de maladies et de mauvais traitements subis dans ce camp. Francisco Boix meurt le 7 juillet 1951 à Paris où il travaille comme journaliste, à 31 ans, des suites d’une maladie contractée à Mauthausen. Des 20 000 négatifs sortis du camp, près de 19 000 restent introuvables.
  • Bibliographie : livres, documentaires et sites web

 

Dans la postface intitulée « Près de soixante-dix ans plus tard, en Espagne », le scénariste Salva Rubio explique que ce roman graphique vise non seulement à raconter l’histoire extraordinaire de Francisco Boix et de ses compagnons, mais aussi de faire connaître l’holocauste espagnol et le destin des survivants  car  rares sont ceux qui connaissent Boix ou le sort subi par des milliers de républicains, de déportés et de réfugiés à Mauthausen. « Notre intention est donc de poursuivre leur travail : raconter l’histoire de Mauthausen pour qu’elle soit connue de tous. Sinon, les survivants et leurs descendants connaîtront le même destin que les  déportés espagnols de Mauthausen, devenus apatrides, comme le prouvait le triangle bleu flanqué d’un S. Alors que les rescapés d’autres nationalités ont pu regagner, libres, leur pays, les Espagnols n’avaient aucun endroit où aller et ont dû vivre en exil, abandonnés par leurs dirigeants et privés de la réparation financière ou des honneurs auxquels ils avaient droit pour avoir défendu la liberté dont nous jouissons aujourd’hui. Leur histoire ne tombera jamais dans l’oubli tant qu’il y aura des hommes et des femmes pour la raconter. ¡ Va por ti, Francisco ! ».

Contrairement à beaucoup d’autres déportés, le nom de Francisco ou Francesc Boix n’est jamais tombé dans l’oubli, grâce aux historiens, documentalistes et admirateurs du personnage. Les restes de sa dépouille ont été transférés le 16 juin 2017 au cimetière du Père-Lachaise, en présence des autorités françaises.

Marie Le Bihan

Liens :

La résistance des images – La Vie des idées

Livres :

« Francisco Boix, el fotógrafo de Mauthausen » de Benito Bermejo, historien et chercheur espagnol, spécialiste de l’étude des déportés espagnols dans les camps de concentration nazis. (Barcelona : RBA Editores 2002)

« El fotógrafo del horror. La historia de Francisco Boix y las fotos robadas a los SS de Mauthausen » de Benito Bermejo. C’est une version corrigée et complétée du livre publié en 2002. (Barcelona : RBA Editores  2016)

« Francisco Boix, le photographe de Mauthausen. L’histoire de Francisco Boix et des photos dérobées aux SS » de Benito Bermejo traduit en français par Ángeles Muñoz. (Territoires de la Mémoire, Liège 2017)

Films ou documentaires :
« Francisco Boix, un fotógrafo en el infierno », documentaire en espagnol réalisé par Llorenç Soler en 2000.
Lien :
Parcours de Antonio Muñoz Zamora qui a connu le camp de concentration nazi de Mauthausen et peut-être a-t-il trouvé sur son chemin dans ce sinistre camp, Francisco Boix, « el fotógrafo de Mauthausen » :
Antonio Muñoz Zamora naît le 08 octobre1919 à Melilla dans le Rif espagnol. Puis très jeune, il revient à Almería en Andalousie.
Durant la guerre d’Espagne 1936-1939 (17-18 juillet 1936 -01 avril 1939)  il combat dans les rangs des républicains face aux troupes  des  généraux  rebelles Franco, Sanjurjo et Mola, aidées par l’Allemagne nazie de Hilter et l’Italie fasciste de Mussolini. Quand Barcelone tombe le 26 janvier 1939, Antonio connaît comme beaucoup de combattants et de civils républicains espagnols « La Retirada ».
Il passe la frontière franco-espagnole le 09 février 1939  et est interné dans de nombreux camps de « concentration » du sud de la France. Livré aux Allemands par le gouvernement de Vichy, il arrive à Brest pour la deuxième fois en juin 1941 pour la construction de la base sous-marine de Brest.
Faisant partie du groupe de résistants espagnols de Brest « Los Deportistas », il est arrêté suite à une dénonciation tout comme 10 de ses camarades le 28 mars 1944. Le responsable de ce groupe de résistants espagnols, Antonio García Martín (pseudo Antonio Moreno), est quant à lui interné à la prison de Pontaniou à Brest après avoir été torturé au quartier général de la gestapo à Brest, mais Moreno ne dénonce personne, il met toutes les actions de résistance réalisées sur son compte personnel. Puis, Antonio Moreno est transféré à la prison Saint-Charles de Quimper et est fusillé le 21 avril 1944 au Poulguen en Penmarc’h.
Quant à Antonio Muñoz Zamora et ses 9 compagnons, ils vont connaître la prison de Pontaniou, puis celle de Jacques Cartier à Rennes avant d’être transférés au camp de transit de Royallieu à Compiègne (Oise).
Le 18 juin 1944, ils intègrent un train de wagons à bestiaux qui va les conduire jusqu’au camp de concentration nazi de Dachau où ils arrivent le 20 juin 1944. Antonio Muñoz Zamora, matricule 74229 à Dachau, va être transféré le 18 août 1944 au camp de Mauthausen où on lui attribue le numéro de matricule 90009 et donc, a peut-être connu Francisco Boix « el fotógrafo de Mauthausen ». Le camp de Mauthausen est libéré le 5 mai 1945 et Antonio Muñoz Zamora revient à Brest.
Son parcours a été retracé dans le livre en espagnol de Enmanuel Camacho Lisbona et Ana Torregrosa Carmona « Mauthausen 90009 » (Centro Andaluz del Libro 2003).
Voir article de MERE 29 du 10 mai 2017 sur les camps de concentration nazis de Mauthausen et Gusen :
Compléments à l’article de Marie (livres, documentaire, parcours Antonio Muñoz Zamora) par Claudine Allende Santa Cruz., le 17 novembre 2018.