Parution d’un livre sur les bases sous-marines et les constructions du Mur de l’Atlantique de Bretagne et du Pays de Loire

Ce livre, qui porte le titre “Bilder einer Landschaft. Images d’un paysage”, vient d’être publié par Annemarie Strümpfler. Il s’agit essentiellement d’un livre de photographies accompagnées de courts textes explicatifs donnés en allemand et en français. Le paysage en question est celui de Bretagne et du Pays de Loire, paysage souvent marqué par la présence des restes des fortifications du Mur de l’Atlantique.

De nationalité allemande, Annemarie Strümpfler, née à Heilbronn en 1949, a d’abord étudié les langues étrangères (anglais et français), langues qu’elle a ensuite enseignées à Brême où son domicile était proche de l’U-Bootbunker « Valentin », abri de protection bétonné destiné au montage des U-Boot allemands pendant la Seconde Guerre mondiale. Dans cet abri, qui n’a jamais été terminé, environ 8 000 personnes ont travaillé sous la contrainte chaque jour à partir de l’été 1944 : des prisonniers des camps de concentration, des prisonniers de guerre, des travailleurs forcés civils d’Europe de l’Est et de l’Ouest et les détenus d’un “camp d’éducation par le travail” dirigé par la Gestapo de Brême.

Des années plus tard, Annemarie Strümpfler s’est formée dans le domaine artistique  via des  stages de formation en  dessin, eau forte et peinture à l’Académie Européenne des Beaux-Arts de Trier (Allemagne) puis des études à l’Ecole des Beaux-Arts de Ottersberg (Allemagne).

C‘est aujourd’hui une artiste au large spectre qui, suivant les lieux, thèmes ou contextes, utilise des moyens d’approche différents, peinture, dessin, photographie (avec la technique de la Chambre noire ou Camera Obscura) ou mixed media. Vivant toujours à Brême, elle a réalisé ces dernières années dans cette ville et aux alentours, mais aussi en Suède, divers projets et présenté plusieurs expositions.

Annemarie nous présente ci-dessous le  contexte du livre “Images d’un paysage” et du projet envisagé pour 2023 au U-Bootbunker “Valentin” de Brême.

            « Venant de l’enseignement des langues – anglais et  français – j’ai toujours eu un fort lien à la France, son histoire, sa culture. A l’époque, en tant que jeune étudiante, je souhaitais comprendre pourquoi et comment la génération de mes parents s’était soumise à la dictature nazie pour faire la guerre aux pays voisins européens. Nous, nous ne comprenions pas ! Les réponses à nos questions étaient rejetées ou restaient dans le vague.

            Puis, en 1975, pour enseigner je me suis installée à Brême. Mon nouveau domicile était proche du U-Bootbunker « Valentin » qui à l’époque servait encore de dépôt pour les militaires allemands. Ce n’est que par les rencontres avec d’anciens travailleurs forcés – avant tout d’origine française – que  nous avons pu prendre conscience  de l’importance des crimes contre l’humanité commis par le système nazi. Dans les années 80, beaucoup d’Allemands rejetaient encore la vérité, comme par exemple la plupart des habitants des maisons situées près du bunker qui refusaient toute interview sur le sujet. Apparemment, d’après eux, “ils n’avaient rien vu.”

            Avec des collègues de mon lycée, nous organisions des conférences au cours desquelles les témoins encore vivants et prêts à parler de leur vie sous ces conditions extrêmement dures au chantier du bunker nous ouvraient les yeux. Pendant les échanges scolaires franco-allemands, nous essayions de sensibiliser les jeunes élèves à ce sujet. Un des témoins était originaire d’Orléans, ville avec laquelle nous faisions des échanges. Les visites du bunker faisaient partie du programme d’échange scolaire.

            Aujourd’hui, grâce au bon travail de personnes engagées, parmi elles la directrice scientifique, et grâce à l’évolution des discours autour de la mémoire collective, le bunker « Valentin » est devenu un site de mémoire qui depuis quelques années offre aussi la possibilité d’approches artistiques.

            Comme en Allemagne il y a une tendance  à  oublier,  nier ou banaliser le système nazi et ses crimes, j’ai lancé l’idée d’un projet d’art, basé sur la production des sons par le vent, qui pourra être réalisé sur le site en 2023 avec deux autres artistes. Une approche artistique qui fait allusion aux mots de Lucien Hirth, ancien résistant et travailleur forcé au chantier du bunker. Celui-ci se rappelait lors d’une interview en 1995 : “Il faisait un de ces vents. Il faisait froid. Il faisait froid.”

            Parallèlement, mes voyages en France, les rencontres interculturelles et profondes m’ont montré le travail fait en France pour s’apaiser avec le passé vécu sous l’Occupation allemande, et le travail continu et transnational qu‘il faut faire pour la paix.

            Ainsi, mes visites des blockhaus et des bases de sous-marins le long du Mur de l’Atlantique m’ont amenée à faire une documentation montrant que l’histoire du U-Bootbunker  « Valentin »  ne peut  être vue isolément, mais qu’elle est liée directement à celle du Mur de l’Atlantique et à celle de tous ceux qui ont souffert pour le construire sous la direction de l’Organisation Todt, bras paramilitaire du régime nazi.

            Le livre “Images d’un paysage” établit le lien entre le  “U-Boot-Bunker “Valentin” et le “Mur de l’Atlantique”, mais présente aussi mes observations subjectives concernant les vestiges monumentaux, avant tout  dans le sud de la Bretagne en 2020. D’un côté, ces vestiges sont toujours présents, témoignages de l’Occupation, de l’autre côté, ils sont en voie de disparition, repris par la nature  ou par l’urbanisation. Souvent ils sont oubliés ou, comme j’ai pu l’entendre souvent : “On vit avec, ils font partie du paysage.” Très peu de signes  font appel à ceux qui les ont construits sous des conditions inhumaines.

            Pendant ma visite de la base de sous-marins à Brest, c’est grâce à Mr Bedri que j’ai su que MERE29 avait fait apposer, lors d’une cérémonie officielle, une plaque commémorative pour les Républicains espagnols et les travailleurs forcés de toute nationalité. Votre engagement important garde la mémoire vivante. »

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Ci-dessous, quatre extraits du livre. Les deux premiers concernent Tréguennec avec le texte relatif à l’usine de concassage et une photo des vestiges sur la plage voisine. Les deux suivants sont relatifs à la base sous-marine de Brest avec une vue générale et une photographie de la plaque commémorative apposée par MERE-29 le 10 octobre 2014.