Lorient, 21 octobre 2025, base des sous-marins, mémoire de « rotspanier »…

Chaque année, le 21 octobre, à l’initiative de la mairie de Lorient et du « Souvenir Français », Lorient commémore la disparition, sous les bombardements du 21 octobre 1942, de plusieurs ouvriers travaillant sur le chantier de la base des sous-marins.

Parmi ces ouvriers œuvrant au chantier de la base sous-marine de Lorient, tout comme à Brest, Bordeaux ou Saint-Nazaire, se trouvent des milliers de travailleurs forcés, « Zwangsarbeiter » pour l’Organisation Todt, bras armé du pouvoir nazi pour les grandes constructions. Parmi ces parias du système soumis aux tâches les plus pénibles, aux traitements les plus durs, sont présents les « Rotspanier » ou « Espagnols rouges », combattants républicains de la Guerre d’Espagne 1936-1939 livrés à l’Allemagne nazie par la France de Vichy.

Nous les connaissons à Brest. Nombreux sont ceux qui se souviennent de nos actions pour leur mémoire en 2014 à la base sous-marine de Brest, en 2015 au Fort Montbarey. Nous fûmes quelques-uns en 2017, dont notre regretté camarade José Corre, à répondre à l’invitation de nos amis de Saint-Nazaire pour le dévoilement de la plaque en mémoire de ces travailleurs forcés présents à St Nazaire durant l’Occupation.

Une étape manquait dans ce parcours de mémoire pour l’Ouest, Lorient, un des grands chantiers nazis sur le littoral atlantique. Ce mardi 21 octobre 2025, à Lorient, l’étape était franchie, un pas de plus sur le chemin d’une mémoire retrouvée …

Une délégation brestoise de MERE 29 (Claudine Allende Santa Cruz, Jean Sala-Pala, Pierre Souchar et Hugues Vigouroux) invitée par la mairie de Lorient et le « Souvenir Français » rejoignait sur place Ignacio Díaz de la Guardia, Conseiller culturel de l’ambassade d’Espagne en France, Françoise Dubosquet, Consule honoraire d’Espagne pour la région Bretagne et notre amie Armelle Carrion, membre de MERE 29 et instigatrice de ce moment à Lorient, fille de Roque Carrion, le commandant « Icare », combattant républicain espagnol et très grand résistant.

De nombreux membres et amis de MERE 29 avaient fait le déplacement pour l’évènement : Gabrielle Garcia, notre première présidente, Luis Garrido notre ami de Nantes, présent à nombre de nos actions, Lou Guérin, doctorante à l’UBO… Un public composé de descendants de républicains espagnols entourait le drapeau républicain porté par Claudine.

Après les honneurs officiels rendus par de nombreuses associations patriotiques et les autorités militaires vinrent les prises de parole de messieurs Fabrice Loher, maire de Lorient, Guy Pierron, président du « Souvenir Français », Ignacio Díaz de la Guardia, conseiller culturel de l’Ambassade d’Espagne en France….et… aucune parole représentant la mémoire de ces rotspanier honorée ce jour ne put se faire entendre contrairement à ce qui était prévu. Une stupéfaction amère pour l’assistance… Un oubli « fâcheux » du maître de cérémonie ? …

 

Discours de MERE 29 « non prononcé »: discours 21 octobre 2025 (2)

La cérémonie se poursuivit par le dévoilement de la plaque, un moment musical de recueillement (un chant créé pour l’occasion : « Los Obreros de Keroman ») et le dépôt de gerbes. La gerbe de MERE 29 aux couleurs républicaines espagnoles était apportée par deux de nos représentants : Jean Sala-Pala, vice-président de MERE 29 dont le père Antonio, fut rotspanier à Lorient et Armelle Carrion, qui par sa pugnacité, a permis cette journée. Une journée importante parachevée par un dîner chaleureux et amical… « républicain » et « espagnol ».

Merci à nos amis lorientais et espérons-le…. à bientôt pour des projets communs pour poursuivre ensemble le chemin vers la « connaissance » et la « reconnaissance » de l’exil républicain espagnol.

Grâce à des recherches dans diverses archives et biographies sur les républicains espagnols travailleurs forcés à la base des sous-marins de Lorient, il est possible de donner quelques noms de rotspanier :

• BLANCO MENÉNDEZ Gerardo né le 01/12/1911 à Gijón (Asturias) arrive en 1943 à Lorient et travaille comme manœuvre  à la base pour l’Organisation Todt à la Firma EINHEIT HOCKE (Feldp. Nr. 13426 HO) à partir du 28/10/1943. Gerardo est cantonné au Camp Franco à Hennebont à environ 15 kms de Lorient, trajet effectué en car chaque jour. Gerardo est l’époux de Olvido FANJUL CAMÍN née également à Gijón le 28/09/1910 qui a connu le camp de concentration nazi de Ravensbrück. Gerardo est décédé à Gijón le 10/02/2005.  Exilio republicano asturiano, historias de vida. Rosa Calvo Cuesta, Enriqueta Ortega Valcárcel, Grupo Eleuterio Quintanilla; AD 56, Dossier 30 W 27.
• CARRIÓN MARTÍNEZ Roque né le 14/02/1916 à Cartagena (Murcia), Colonel de l’Armée de l’Air espagnole durant la Guerre d’Espagne 1936/1939 arrive à Brest en juin 1941 puis part en car à la base de sous-marins de Lorient en 1942 et est emprisonné à la Caserne Frébault. Roque travaille à Kéroman au transport de sacs de ciment sans avoir de permis de conduire, puis devient électricien. Il s’évade de ce chantier et prend le Maquis en novembre 1943. Roque est connu dans la Résistance sous le pseudonyme «ICARE» ou «Commandant ICARE». Après la Libération de la France, il se marie avec Marcelle, née à Lanester. Roque, Chevalier de la Légion d’Honneur à titre militaire est décédé le 06/12/1995 à Lanester dans le Morbihan. Renseignements fournis par Armelle Carrión et ses deux sœurs.
• JIMÉNEZ-BRAVO Vicente né le 12/06/1919 à Manzanares (Ciudad Real) arrive à Lorient le 10 août 1941, en compagnie d’au moins un de ses camarades. Il travaille comme mécanicien ou manœuvre à la base sous-marine pour l’Organisation Todt à la Firma GEBRÜDER NIEMAX de construction (Feldp. Nr. 13426) à compter du 13/08/1941. Vicente est cantonné au Camp Polygone proche de la base qui est composé de 11 blockhaus construits en 1941 afin de loger les ouvriers qui y vivront jusqu’à la fin des travaux de construction de Keroman 1 et Keroman 2. Puis Vicente et son compatriote réussissent à s’évader vers fin novembre, début décembre et prennent la direction de Paris. Tous deux regagnent l’Espagne franquiste par Irún le 05/01/1942. Renseignements donnés par son petit-fils Pau Rodríguez Jiménez-Bravo, auteur et dessinateur de la bande dessinée  « Las cinco banderas » qui raconte le parcours de Vicente depuis la Guerre d’Espagne 1936/1939 jusqu’à son difficile retour en Espagne en janvier 1942 où il va être ensuite victime de la répression franquiste.
• LÓPEZ MORALES Juan né le 29/10/1915 à Algeciras (Cádiz), son frère LÓPEZ MORALES José né également à Algeciras et un certain Frasco (un des diminutifs de Francisco) dont le nom est inconnu, né à Fernán Núñez (Córdoba), tous trois arrivent à Hennebont en train de wagons à bestiaux à une date non précisée. Juan et José vont travailler à la base pour l’Organisation Todt à la Firma de menuiserie allemande BRAND en tant qu’ébénistes bien que ne connaissant pas le métier puis ensuite dans une autre firme comme électriciens. Juan, José et Frasco sont cantonnés au Camp Franco à Hennebont où trônent à l’entrée deux immenses portraits de Franco et Hitler. “ Ce camp Franco est sous les ordres d’un capitaine ou commandant allemand, un répugnant et sinistre personnage. Sa plus grande distraction est de renverser notre gamelle de repas à coups de pied ou en tirant au pistolet sur les boîtes de conserve qui nous servent d’assiettes. C’est une personne sadique et dès qu’il ouvre la bouche, il vocifère, il hurle plus fort que les chiens bergers allemands qui surveillent autour du camp” . En septembre 1943, tous trois réussissent à s’évader de Lorient et prennent la direction de Bordeaux et du département des Landes. Juan est resté en France, s’est marié à une Française nommée Yvette, née à Montgaillard dans Les Landes et est décédé à Mont-de-Marsan le 26/11/1996. Quant à José, il est rentré en Espagne franquiste mais a été fait prisonnier et a connu le “Penal de El Puerto de Santa María” (Cádiz). Informations se trouvant sur le site de Ignacio Trillo, lien transmis par Pau Rodríguez Jiménez-Bravo.
• MELÓN MARTÍNEZ José Belisario né le 08/07/1917 à Vigo (Pontevedra) arrive à Lorient à une date inconnue et travaille dans une entreprise pour l’Organisation Todt. En 1944 il fait partie de la Résistance dans le 10è Bataillon de Rangers du Morbihan. Son pseudonyme dans la Résistance est « Antonio LAGA ». José se marie à une Morbihannaise nommée Marie-Joseph, née à Meslan. Il semble qu’il soit retourné dans la ville de Vigo mais à une date non précisée. Informations transmises par María Torres, historienne de Vigo.
• SALA-PALA Antonio, père de Jean SALA-PALA vice-président de l’association MERE 29, est né le 12/07/1912 à Navàs (Barcelona). Antonio arrive à Lorient en train en début d’été 1941 et travaille à la base dans une entreprise pour l’Organisation Todt. Il y reste jusqu’en novembre 1941, date à laquelle il est transféré par les Allemands dans les Îles Anglo-Normandes puis en novembre 1942, il revient en Bretagne et intègre le NSKK à Brest. Antonio se marie à une Française nommée Denise. Il est décédé à Brest en 1985. AD 29, Dossier 63 W 50.

Recherches et rédaction
Claudine Allende Santa Cruz, MERE 29
Le 12 novembre 2025

La consultation des registres numérisés des décès la ville de Lorient pour les années de la Seconde Guerre mondiale a permis de retrouver des actes de décès de six républicains espagnols morts sous les bombardements aériens pour la période 1940-1943 : 

• Acte N°28 – LOPEZ Baldomero décédé le 06/01/1943 à son domicile au 7 Rue Pasteur, est charpentier à la Firme HEINRICH BUTZER. Baldomero  né à Madrid ou dans la province du même nom, est le fils de Manuel LÓPEZ et de Luisa GARCÍA et considéré comme une “Victime civile”. Son véritable nom doit être : Baldomero LÓPEZ GARCÍA.
• Acte N°29 – TORREIRO Fernand décédé le 10/01/1943 à son domicile au 7 Rue Pasteur, est ferrailleur à la Firme NICOLAUS TIGER. Fernand  né à La Corogne (A Coruña)  ou dans la province du même nom, est le fils de Manuel TORREIRO et de Josefa EIROA et considéré comme une “Victime civile”. Son véritable nom doit être : Fernando TORREIRO EIROA.
• Acte N°114 – ENRICO GRIPAN Nicolas ou GRIPAN ENRICO Nicolas décédé le 18/01/1943 à Lorient, est employé par l’Organisation TODT. Nicolás est né le 04/07/1918 à Benaoján (Málaga) ou Beniaján (Murcia). Comme nous n’avons pas d’autres renseignements sur les noms des parents de Nicolás, nous ne pouvons donner son véritable nom. Nicolás est considéré comme une “Victime civile”.
• Acte N°146 – RODRIGUEZ  Florentino est décédé le 06/03/1943 à Lorient sur la passerelle du pont de Chemin de fer. Florentino est âgé de vingt ans et né en Espagne mais sans plus d’informations. Comme nous n’avons pas d’autres renseignements sur le nom de la mère de Florentino, nous ne pouvons donner son véritable nom. Florentino est considéré comme une “Victime civile”.
• Acte N°266 – POGGIO Manuel décédé le 19/07/1943 à Kéroman est peintre à la Firme SIEMENS HOLZMANN. Manuel né le 24/11/1910  à La Linea de la Concepción (Cádiz) et fils de Ángel POGGIO VIAGAL et de Rosa LOZANO REINALDO est célibataire et considéré comme une “Victime civile”. Son véritable nom doit être : Manuel POGGIO ou POGAGIO LOZANO.
• Acte N°267 – GUTIERREZ Nemesio décédé le 27/07/1943 à Kéroman est employé à l’Organisation TODT. Nemesio né le 24/06/1910 à Miajadas (Cáceres) est domicilié à Rivesaltes (Pyrénées-Orientales) et est célibataire. Comme nous n’avons pas d’autres renseignements sur le nom de la mère de Nemesio, nous ne pouvons donner son véritable nom. Nemesio est considéré comme une “Victime civile”.

Dans ces mêmes registres de décès de la ville de Lorient, il a été possible de retrouver des actes de décès de dix autres républicains espagnols morts pour d’autres motifs durant les années 1941, 1942 et 1943 : 

• Acte N°471 – COSTO Alfredo décédé le 07/05/1941 au Cours de Chazelles à Lorient est manœuvre au camp de Travailleurs de l’Organisation TODT et de nationalité inconnue, mais peut-être espagnole. Comme nous n’avons pas d’autres renseignements, nous ne pouvons donner son nom complet, ni ses date et lieu de naissance.
• Acte N°761 – RIVAGNOLA Baldomero décédé le 13/08/1941 au 75 rue de Kerlin ou Hôpital de Bodélio est un sujet espagnol et est manœuvre. Comme nous n’avons pas d’autres renseignements, nous ne pouvons donner son nom complet, ni ses date et lieu de naissance.
• Acte N°1021 – MARTINEZ ORTIZ de ZERATE Antonio décédé le 23/11/1941 dans l’arsenal, employé de l’organisation TODT est né le 10/09/1891 et domicilié à Valencia, avenue de José Antonio. Selon le site de BUSCAR COMBATIENTES sa véritable identité est Antonio MARTÍNEZ ORTÍZ de ZÁRATE.
• Acte N°1033 – EZQUER Victoriano décédé le 30/11/1941 au 75 rue de Kerlin ou Hôpital de Bodélio, employé par les Troupes d’Occupation est né le 08/11/1908 à Novarra (Espagne) ou peut-être Navarra. Comme nous n’avons pas d’autres renseignements sur le nom de la mère de Victoriano, nous ne pouvons donner son véritable nom.
•  Acte N°63 – GARCIA Dionisio décédé le 16/01/1942 au 75 rue de Kerlin ou Hôpital de Bodélio, employé par les Troupes d’Occupation est né le 03/10/1906 à Calzada de Oropesa (Toledo). Dionisio est le fils de Elías  et de Petra GALLEGO et est célibataire. Son véritable nom doit être Dionisio GARCÍA GALLEGO.
• Acte N°98 – ASIN PEREZ Felipe décédé le 23/01/1942 au 75 rue de Kerlin ou Hôpital de Bodélio, employé par les Troupes d’Occupation à l’entreprise HARDT est né le 26/05/1914 à Peralta (Navarra). Son véritable nom doit être Felipe ASÍN PÉREZ.
• Acte N°489 – FOLCH Francisco décédé le 28/05/1942 au 75 rue de Kerlin ou Hôpital de Bodélio est employé par l’organisation TODT à l’entreprise THOMAS. Francisco est né le 16/10/1914 à Tarragona ou dans la province du même nom. Comme nous n’avons pas d’autres renseignements sur le nom de la mère de Francisco, nous ne pouvons donner son véritable nom.
• Acte N°526 – GUISADO BAZAGA Crescencio est décédé le 22/06/1942 au 75 rue de Kerlin ou Hôpital de Bodélio et employé par les Troupes d’Occupation à l’entreprise Carl BRANDT. Crescencio est né le 31/05/1911 à Valdecaballeros (Badajoz) et marié selon le site des AD 66. Suivant le site de BUSCAR COMBATIENTES sa véritable identité est bien Crescencio GUISADO BAZAGA.
• Acte N°607 – FERNANDEZ PEREZ Sigismundo décédé  le 01/08/1942 au 75 rue de Kerlin ou Hôpital de Bodélio est domicilié au 9 rue de la Corderie. Sigismundo né le 01/05/1911 à Mora (Toledo) est le fils de Mathías FERNÁNDEZ et de Demetria PÉREZ. Selon le site de BUSCAR COMBATIENTES sa véritable identité est Segismundo FERNÁNDEZ PÉREZ.
• Acte N° 180 – GALINDO Regino décédé le 16/03/1943 dans la rue des Marais est un ouvrier de la base sous marine. Regino est né le 24/06/1887 en Espagne. Sans autres renseignements, il n’est pas possible de donner son nom complet ni son lieu de naissance.

Nos pensées les plus émues vont à tous ces combattants républicains espagnols qui ont perdu la vie en terre lorientaise très loin de leur terre natale espagnole.

Recherches dans les registres de décès de Lorient et rédaction
Claudine Allende Santa Cruz
MERE 29
Le 29 novembre 2025