« La Bolsa de Bielsa . El puerto de hielo »

Un livre-DVD au service de la Mémoire de l’exil : « La Bolsa de Bielsa. El puerto de hielo », de Maite Cortina, Mirella R. Abrisqueta et José Ángel Delgado, produit par Aragón Televisión, Diputación de Huesca, Ayuntamiento de Bielsa , Gobierno de Aragón, février 2008.

En février 2008, le Gouvernement d’Aragon ( soutenu par le programme « Amarga Memoria »),  la Corporation Aragonaise de Radio et de Télévision, la Région du Sobrarbe, la Députation de Huesca, la Municipalité et le Musée de Bielsa ont  contribué à la Commémoration du 70 ième anniversaire de la « Bolsa de Bielsa » par l’édition d’un livre-DVD pour que perdure le souvenir de ceux qui ont tout perdu pour défendre la liberté. Il  comporte un DVD documentaire : « La Bolsa de Bielsa. El puerto de hielo » (sous-titré en français) et un livre avec 3 articles (en espagnol non-traduit) ainsi que de nombreuses  photographies d’archives.

L’épisode de la «  Bolsa de Bielsa » a profondément marqué l’histoire de cette vallée pyrénéenne située sur les flancs du Monte Perdido, el Alto Cinca. Là, isolée et abandonnée à son sort,  se trouve la 43e Division, le dernier bastion de l’armée républicaine en Aragon, sous le commandement d’ Antonio Beltrán, « El Esquinazau » (le rusé). Derniers défenseurs de la République en Aragon, les miliciens résistent jusqu’au 16 juin 1938, quand l’effondrement du front  par la Vallée de Benasque les oblige à se retirer par la frontière française. Pendant près de 3 mois, ils ont opposé une résistance héroïque et ont supporté les assauts d’un ennemi très supérieur en nombre et qui dispose de beaucoup plus de moyens et de matériel militaire. Comme ces avions nationalistes, appuyés par les avions allemands et italiens, qui se chargent de bombarder, d’incendier et de détruire le village de Bielsa,  les 14 et 15 avril 1938. C’est une attaque préméditée, fulgurante, qui dévaste tout et laisse un champ de ruines et de désolation, pendant des années…La plupart  des miliciens vont continuer la lutte et réincorporer l’Armée républicaine pour renforcer les positions catalanes.

Mais pour la population civile, pas d’autre choix que l’exil. À partir de début avril  1938 est organisé l’exode des civils vers la France. Plus de 6 000 personnes fuient les combats et les bombardements, laissant tout derrière elles, encombrées de baluchons et de valises, aidées de militaires et de volontaires locaux pour prendre en charge les enfants, les vieillards, les malades et les blessés. Ils franchissent ainsi le Port Vieux (2 378 m) et d’autres ports (cols) frontaliers, comme le Port de Barroude (2 534 m) et le Port de Bielsa (2 428 m), pour se réfugier en France dans la vallée de la Géla et la Vallée d’Aure. Ce sont différentes vagues de gens qui traversent les ports gelés et enneigés, sans équipement ni nourriture suffisante ni vêtements adaptés à des conditions météorologiques extrêmement dures. La dernière vague de civils, la plus nombreuse, franchit le Port Vieux le 14 mai 1938.

La bolsa de bielsa 2Ces évènements ont un ample écho en Espagne et ont bénéficié d’une large couverture médiatique à l’extérieur. Ils ont été en première page des journaux comme  La Vanguardia, ABC et L’illustration (numéro du 9 avril 1938).

Mais, pendant des décennies, cette histoire est gardée sous silence, étouffée et cachée  par les différents gouvernements franquistes et n’apparaît pas dans les livres d’histoires. Depuis la transition démocratique, le Musée de Bielsa travaille à la récupération de la mémoire de cet épisode historique.

Le DVD documentaire « La Bolsa de Bielsa » recrée, 70 ans plus tard, certains des moments les plus marquants de cet épisode important de la Guerre d’Espagne en Aragon  et raconte cette odyssée à travers  le journal et les dessins de María, une petite fille de 6 ans qui franchit le Port Vieux en compagnie de sa grand-mère et de sa mère. Nous découvrons comment elles vivent cet exode : l’abandon de la maison et la fuite du village avec les habitants de Bielsa, la longue et périlleuse traversée dans la neige sur la sente ouverte par les miliciens, l’arrivée  dans les Pyrénées françaises, l’accueil organisé par la population civile et les autorités françaises. Puis l’exil et les difficiles conditions de vie dans un camp de réfugiés espagnols à Rennes, pour la plupart des femmes et des enfants, la dispersion des familles, l’enfermement, les maladies, le manque de nouvelles… Le dernier épisode, c’est le retour dans une patrie qui ne les attend pas  et les dures conditions de vie dans Bielsa complètement dévasté, le désespoir et la désolation.

Des dessins d’enfants illustrent ce récit, représentant en majorité les épisodes les plus durs comme le bombardement de Bielsa.

Des témoignages d’anciens miliciens, d’hommes et de femmes qui ont vécu cette tragique expérience quand ils étaient enfants nous permettent de mieux comprendre la dureté de la traversée, son côté exceptionnel, l’ épreuve  physique et psychologique, les souvenirs indélébiles. Dureté de l’exil même si plusieurs récits évoquent la solidarité de la population civile dans les villages, à Aragnouet, Arreau, Vielha. Dureté du retour, synonyme de répression  et d’« exil intérieur ». Tous insistent sur la nécessité de rendre public ce qui s’est passé dans leur vallée, de sortir de l’oubli cette histoire qui appartient à la mémoire collective.

Le récit est également ponctué de commentaires et d’analyses  apportées par  des historiens qui permettent une bonne contextualisation de la «  Bolsa de Bielsa » et que l’on va retrouver dans le livre avec trois articles très denses :

  • Dans l’article « De Aragón a Francia : la guerra de exterminio de Franco »  (De l’ Aragon à la France : la guerre d’extermination de Franco), Julián Casanova, professeur d’Histoire Contemporaine à l’Université de Zaragoza, retrace le déroulement de la Guerre d’Espagne, particulièrement en Aragon et dans les Pyrénées aragonaises. En même temps, il explique au lecteur l’enchaînement des  évènements internationaux en lien avec la Guerre d’Espagne et leur influence sur celle-ci.
  • Alicia Alted Vigil, professeure au Département d’Histoire Contemporaine à Madrid, est l’auteure de l’article « El éxodo de la población civil a Francia » (L’exode de la population civile en France). Cette spécialiste de l’exil des réfugiés espagnols en France commence son récit au printemps 1938, au moment de l’effondrement du Front d’Aragon et le nourrit de nombreuses chroniques de ceux qui ont vécu l’exode de 1938 et surtout de 1939.
  • Dans le 3ème article, « Tras las bombas. Bielsa y la actuación de Regiones Devastadas en el Pireneo aragonés (1939-1957) » (Après les bombes. Bielsa et l’intervention des Régions Dévastées dans les Pyrénées aragonaises), Alberto Sabio Alcutén, docteur en Histoire Contemporaine, fait un état des lieux des destructions matérielles en Aragon ( la région d’Espagne la plus dévastée après Madrid et la Catalogne) et plus particulièrement  dans les Pyrénées aragonaises, dans les villages du Haut-Cinca. Il se questionne également sur le programme de la Direction Générale du Service des  Régions Dévastées, appartenant au Ministère de l’Intérieur et avance l’idée d’une politique de reconstruction sous-tendue par la propagande idéologique franquiste : faire oublier les villages d’avant la guerre,  ravagés par les « hordes de marxistes », préférer un type d’architecture unique, rigide et standardisé, où règne l’ordre nouveau.

De nombreuses photographies illustrent le livre, elles appartiennent aux Archives de la Députation de Huesca, aux Archives de la Photographie et de l’Image du Haut-Aragon, au Musée de Bielsa et à des collections privées : photographies prises sur le Front à Huesca, Tardienta, Fraga, Quicena, Siétamo ; photographies de la retraite de la 43e Division Républicaine à Barbastro, Biescas, Broto, L’Ainsa ; photographies de l’exode des civils, de la traversée du Col de la Géla et de l’arrivée à Aragnouet ; photographies des villages bombardés, incendiés, dévastés, Bielsa, Biescas, Parzán, Sarvisé, Broto…

Le livre-DVD a reçu le premier prix du documentaire lors de la XIIIème Semaine du Cinéma de Fuentes de Ebro (Province de Zaragoza) en 2008.

Une plaque commémorative a également été apposée en 2008 au Port Vieux, lors de la commémoration du 70e anniversaire de la Bolsa de Bielsa sur laquelle on peut lire :

A CUANTOS CRUZARON ESTE PUERTO PARA ROMPER

EL BLOQUEO DE LA « BOLSA DE BIELSA » POR DEFENDER

             LA LIBERTAD FRENTE AL FASCISMO

EN HONOR A LA POBLACIÓN CIVIL DEL ALTO ARAGÓN

 Y A LA 43 DIVISIÓN REPUBLICANA

DIGNIDAD, MEMORIA Y PAZ

PUERTO BIELHO 1938-2008

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À CEUX QUI ONT TRAVERSÉ LE COL AFIN DE ROMPRE

LE SIÈGE DE LA « POCHE DE BIELSA » POUR DÉFENDRE

LA LIBERTÉ FACE AU FASCISME

EN L’ HONNEUR DE LA POPULATION CIVILE DU HAUT ARAGON

ET À LA 43e DIVISION RÉPUBLICAINE

DIGNITÉ, MÉMOIRE ET PAIX

PUERTO BIELHO 1938-2008

 

Tous les ans, lors des « Jornadas Republicanas » (Journées Républicaines) de Bielsa, une marche est organisée jusqu’à cette plaque : elles auront lieu cette année les 16, 17 et 18 juin 2017. (voir bolsadebielsa.blogspot.com)

Des liens pour approfondir :

http://cirquedebarrosa.free.fr/phexodebolsa.htm

http://cirquedebarrosa.free.fr/bolsadebielsa.htm

Une bibliographie : 

  • « La Bolsa de Bielsa : el heroico final de la República en Aragón», de Antonio Gascón Ricao, édité  par la Diputación de Huesca et le Musée de  Bielsa (2005)
  • « La Guerre Civile Espagnole et les Pyrénées», n° 2 de la Revue « Pyrénées et Histoire » (2008)
  • « Franchir les Pyrénées. Sur les chemins de la liberté», de Frédéric Sabourin, Editions Ouest-France,   chapitre  « La Bolsa de Bielsa et la vallée d’Aure » (2011)
  • Ouvrage collectif « La Bolsa de Bielsa », Editions Prames (28/09/2015)